Quand le micro génère des conséquences macro : contrats IT et composants électroniques

La crise sanitaire a notamment eu pour conséquence de modifier nos conditions de vie et de travail et de renforcer encore davantage la digitalisation de notre exercice professionnel mais aussi nos loisirs.

Ceci a généré une demande exponentielle de composants électroniques induisant dès lors des frictions sur les chaînes d'approvisionnement, la production de tels composants étant concentrée et détenue par quelques acteurs majoritairement présents en Asie.

Face à cette situation et à l'impossibilité d'obtenir des composants dans les délais souhaités, certaines activités se voient contraintes de ralentir leur production.

C'est notamment ce qu'illustre l'article « La production automobile menacée par la pénurie de puces » https://www.lepoint.fr/automobile/la-production-automobile-menacee-par-la-penurie-de-puces-26-01-2021-2411199_646.php faisant état de la production automobile menacée par la pénurie de puces, et la contrainte d'ailleurs pour certains constructeurs allemands de ralentir les chaînes de production, faute de bénéficier de composants (capteur, aide à la conduite…) à intégrer dans leurs véhicules.

Ceci nous amène plus généralement à nous intéresser à l'anticipation d'une telle situation dans le cadre d'une relation contractuelle où l'objet même du contrat est la fourniture de composants mais aussi lorsque le service fourni repose sur des moyens devant recourir à ces puces électroniques pour délivrer un service (serveur d'infrastructure Cloud par exemple.)

Il est à noter que dans le cadre d'une relation contractuelle impliquant la fourniture et/ou le recours aux puces électroniques, s'organise le plus souvent une chaine de sous-traitance contractuelle où, le fournisseur, qui doit livrer de tels composants et/ou un service les intégrant, s'approvisionne auprès d'autres prestataires ( constructeur, agrégateur d’infrastructures, plateforme..). Si nous regardons cette relation contractuelle du point de vue du client, il est nécessaire, face à une telle situation, d'anticiper contractuellement ces risques de rupture en se focalisant notamment sur 3 points :

1. Le prestataire peut-il s'exonérer du fait d'un tiers : s'il s'agit d'un sous-traitant, le prestataire ne peut s'exonérer des manquements de son sous-traitant vis-à-vis de son client

2. L'existence ou non de pénalités ou sanctions en cas de non tenu des engagements

3. L'acceptation ou non d’une raréfaction des ressources sur le marché et donc d'accepter un coût supplémentaire pour bénéficier du service. D’une part, la raréfaction de la ressource peut augmenter son coût sur le marché. D’autre part, les restrictions actuelles d’acheminement et de logistiques ont induit à ce que certains transporteurs renchérissent leurs coûts d'acheminement face à une demande supérieure à l'offre. Ainsi et du côté du client, il est opportun que ce dernier anticipe ces hypothèses et fixe les règles applicables dans une telle situation, voir s'interroge si une telle situation relève ou non de l’imprévision ou d'un cas de force majeure.

Si nous regardons cette relation contractuelle du point de vue du prestataire, ce dernier est débiteur d'une obligation de délivrance que nous pouvons qualifier de résultat lorsqu'il s'agit de fournir un service quantifiable et/ou mesurable. Il lui appartient d’anticiper, dans le cadre de la relation contractuelle avec son client final, les éventuelles conséquences, d'une part, des défaillances de ses sous-traitants et, d'autre part, du contexte économique du marché dans qu'elle intervient.

En effet, faute d'anticiper ces éléments, il pourrait se trouver dans une situation où il devra seul absorber le surcoût de la délivrance d'une prestation et/ou l'impossibilité de la fournir dans des délais/conditions convenus. Ceci amène dès lors à s'interroger sur ces situations comme suit :

1. Cette hypothèse doit-elle être envisagée comme un cas de force majeure (rappelant que cette notion n'est pas d'ordre public et peut donc faire l'objet d'une définition conventionnelle pour alors pouvoir s'exonérer de certains engagements)

2. Est-il possible de réévaluer le cas échéant le coût de ces services et ce, soit en fixant un mécanisme conventionnel identifiant des événements tiers pouvant justifier une clause de renégociation des conditions financières (nous en revenons à la clause ancienne dite de « hardship ») soit tenter d'opposer l’imprévision. Notons cependant que ce principe défini par l’article 1195 du Code civil fixe des conditions très strictes pour être mis en œuvre. Il pourrait donc être opportun d'aménager conventionnellement, et de manière plus souple, des conditions permettant au débiteur de l'obligation de pouvoir rediscuter de la portée de ses engagements avec son client.

Rappelons que de tels mécanismes existent depuis longtemps dans les marchés publics, au titre des suggestions techniques imprévues, avec une codification récente au titre de l'article L6 du code de la commande publique : « Lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l'exécution, a droit à une indemnité».

Concluons donc que dans un contexte sanitaire particulier, mais aussi géopolitique, d’approvisionnement, il est essentiel pour les deux parties d'anticiper ces hypothèses pour que le contrat ne se résume pas à simple outil contractuel fixant les obligations réciproques des parties, mais comprennent également en son sein des solutions pour faire face à ses difficultés d'exécution.

Bonne rédaction

Mathieu MARTIN